Pourquoi l’argent est-il tabou ?

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L’argent est tabou à cause de son caractère sacré : il servait autrefois à payer les prêtres pour les sacrifices qu’ils offraient aux dieux au nom des fidèles ; il est présenté dans la Bible comme un dangereux concurrent de Dieu lui-même. Il est pour certaines personnes un enjeu de vie ou de mort. Et les personnes très pauvres ou celles qui ont gagné cet argent de façon condamnable font silence à son sujet, les premiers par honte et les seconds par culpabilité…

Définition

Aujourd’hui, certaines personnes parlent plus facilement de leur vie amoureuse ou sexuelle que de leurs affaires d’argent. En France et dans les pays latins, l’argent reste en effet tabou pour la majorité des individus : il est interdit, ou au moins inconvenant, d’en parler !

Le mot tabou recouvre deux sens : 1. C’est un système d’interdictions de caractère religieux appliquées à ce qui est considéré comme sacré ou impur 2. C’est ce sur quoi on fait silence, par crainte ou pudeur (Cf. dictionnaire Robert.).

Le tabou du sacré

D’où vient ce tabou, si l’on se réfère au premier sens du mot ?

  • L’argent est tabou à cause de son caractère sacré :
    • Depuis les temps les plus reculés et dans de multiples religions, l’argent à en effet servi à payer les prêtres pour les sacrifices qu’ils offraient aux dieux afin d’obtenir leurs faveurs ;
    • L’argent est également sacré parce qu’il est indispensable pour vivre : sans argent, on est exposé au manque, à la privation, au déshonneur, à la relégation sociale et parfois même à la mort. C’était le cas au Moyen Âge pour le commun des mortels : en cas de famine, échappaient à la mort les hommes et les femmes qui avaient pu constituer des réserves de grains et les mettre à l’abri dans des greniers.
    • Aujourd’hui encore, avoir ou ne pas avoir d’argent est souvent vécu par les individus comme une question de vie ou de mort, au moins du point de vue social et symbolique : le manque d’argent ou la crainte d’en manquer gravement peut, chez certaines personnes, faire naitre des sentiments d’angoisse et de désarroi d’une intensité telle qu’elles ne peuvent pas en parler (Selon le même processus qui conduit certaines personnes à s’interdire encore de parler du cancer, parce que celui-ci est perçu comme porteur de mort.).
  • Le tabou de l’argent dans la Bible
    De nombreux passages de l’Ancien et du Nouveau Testament font référence à l’argent de manière particulièrement négative Quelques exemples : dans l’épisode du Veau d’or, Moïse ordonne de la part du Dieu Yahvé de faire mettre à mort ceux de son peuple hébreux qui ont rendu un culte au Veau d’or comme s’il était un Dieu lui-même ; Jésus a chassé les marchands du Temple de Jérusalem avec une grande violence ; il a jeté l’anathème à plusieurs reprises contre les riches : « Malheur à vous, les riches ! » ; « Vous ne pouvez pas servir deux maitres, Dieu et l’argent » et enfin « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu » ; l’apôtre Judas a livré Jésus à la mort contre trente pièces d’or, etc.
  • Les contradictions de l’Église à l’égard de l’argent
    Une source religieuse du tabou de l’argent semble spécifique à l’Église catholique (La plupart des autres religions monothéistes, y compris celles issues du protestantisme, et les religions polythéistes, ont en effet une représentation positive de l’argent : pour elles, à gros traits, être riche est une manifestation qu’on est aimé du ou des dieu(x) !) :  celle-ci a en effet constamment présenté l’état de pauvreté comme un état de perfection spirituelle. Mais pendant de nombreux siècles, elle a été l’institution humaine la plus riche au monde, et les princes de l’Église y vivaient souvent dans un luxe inouï ! On peut donc faire l’hypothèse qu’elle a tenté de cacher la discordance entre son enseignement officiel et ses propres pratiques de l’argent en imposant un tabou sur celui-ci (L’histoire de Luther dénonçant les abus commis par l’Église catholique autour de l’argent illustre combien celle-ci supportait mal que des chrétiens, et a fortiori des clercs, se permettent de pointer de tels contradictions entre les préceptes qu’elle édictait et l’exemple qu’elle donnait !), et elle a présenté l’argent à ses ouailles comme un instrument du diable (et donc impur) qui détourne de Dieu.

Le tabou du silence

Si l’on se réfère au second sens du mot tabou (ce sur quoi on fait silence), on découvre d’autres explications au tabou qui touche l’argent :

  • Les personnes qui ont beaucoup d’argent préfèrent souvent le cacher – ou au moins ne pas en parler
    • Afin de ne pas exciter la jalousie de leurs proches ;
    • Par peur de se le faire voler ;
    • Parce qu’elles l’ont acquis dans des conditions illégales ou honteuses ;
    • Ou encore parce que « cela ne se fait pas… »
  • Ce tabou de l’argent se transmet de génération en génération. « Dans notre famille, on ne parlait jamais d’argent » : cette phrase, nous l’avons entendue mille fois dans les séminaires que nous animons sur la relation à l’argent. Un enfant qui grandit dans une telle famille a toutes chances, vingt ou trente ans plus tard, d’éduquer ses propres enfants dans ce même silence mystérieux !
  • Au Moyen Âge, les nobles s’enorgueillissaient de leur château, de leurs terres, de leurs faits d’arme, mais avaient tendance à mépriser l’argent. Lorsqu’ils en avaient, ils le dépensaient avec ostentation, pour être admirés et se créer des obligés. Aujourd’hui, certains individus affichent une sorte de mépris ou au moins de distance à l’égard de l’argent.

Aujourd’hui encore, ce tabou a d’importants effets négatifs :

  • Un grand nombre de personnes ne sont pas à l’aise avec l’argent et le suspectent de mille maux : elles pensent plus ou moins confusément qu’on ne doit pas en parler parce qu’il est sale, ou mystérieux, ou dangereux ;
  • Elles connaissent mal les choses de l’argent et de la banque alors que, pour bien gérer son argent, chacun a besoin d’avoir un minimum de connaissances et de savoir-faire ;
  • Elles sont mal à l’aise et donc maladroites lorsqu’elles doivent parler d’argent clairement avec des interlocuteurs incontournables comme c’est le cas pour :
    • Les travailleurs indépendants ou les commerciaux d’entreprise lorsqu’ils négocient avec leurs clients le prix de leurs prestations ;
    • Les frères et sœurs au délicat moment du partage de l’héritage de leurs parents ;
    • Les personnes qui rencontrent de sérieuses difficultés financières et qui ont intérêt à en parler sans retard à leur banquier ou à une assistante sociale ;
    • Etc.

      Ces personnes risquent donc de mal défendre leurs intérêts ou encore de se mettre dans une situation financière confuse ou dramatique.

Contre le tabou de l’argent et contre les souffrances qu’il crée, la meilleure défense est de prendre plaisir à parler de l’argent comme d’un objet presque banal qui ne mérite ni d’être l’unique centre du monde, ni d’être relégué dans les marécages de l’indécence voire de l’interdit !

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