En 1644, à l’issue de recherches tâtonnantes, Descartes exprime cet énoncé philosophique appelé à faire grande fortune : « Je pense, donc je suis. »
Près de cinq siècles plus tard, et de manière ludique, nous pourrions détourner cette sentence en affirmant : « Je dépense, donc je suis ! »
Jeu de mots gratuit ? Pas seulement : et ceci pour deux raisons :
- La plupart d’entre nous sommes des enfants de la société de consommation et, pour la plupart, des acteurs engagés de celle-ci, à la fois comme producteurs et consommateurs.
Les psychologues et les sociologues ont depuis longtemps mis en lumière que l’acte de dépenser donne à un individu une sorte de sentiment d’exister. Chaque individu existe d’abord comme cible en tant que consommateur potentiel : la publicité s’adresse à lui, lui parle de lui-même, de ses doutes, de ses besoins, de ses désirs, de son bonheur possible… s’il achète le produit à vendre.
Il existe ensuite en tant qu’acheteur s’il décide d’acheter : on lui fait la cour, on lui manifeste des marques de considération et d’estime, puis on le félicite d’avoir pris la bonne décision d’acheter. « Je dépense, donc je suis » …
Parfois même, le « système consommation » va jusqu’à soigner ses passages dépressifs : qui n’a pas entendu la plaisanterie d’un.e ami.e disant : « J’étais déprimé.e, je suis allé.e dans les magasins, j’ai fait chauffer ma carte bancaire, et je me suis senti.e un peu mieux » ?
- Contre toute attente, les mots penser et dépenser ont la même racine étymologique : pendere, pensus, est à l’origine de « laisser pendre » (les plateaux d’une balance), d’où « peser », « évaluer » « penser ».
Dans compendium, –pendium est « ce qui pend », « le magot, les économies » ; dispendium, c’est la « dépense », les frais.
Je pense, je dépense, même combat ?
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