Le texte qui suit est tiré de l’entretien entre deux philosophes, Emmanuel Lévinas et Roger-Pol Droit (journal Le Monde du 2 juin 1992.)
Roger-Pol Droit : Le règne de l’argent et l’extension de l’affairisme ne tendent-ils pas à (…) faire oublier cette relation à autrui que vous jugez fondamentale ?
Emmanuel Lévinas : Certains aspects effrayants du capitalisme et une forme excessive d’attachement à l’argent peuvent certes masquer ou étouffer tout le reste, mais il ne faut pas tomber dans l’erreur de croire que l’argent est maudit et qu’on doit le déclarer systématiquement néfaste.
Je suis convaincu qu’il existe une signification éthique de l’argent et qu’il peut contribuer à une humanisation du monde. Il ne faut pas oublier que ce ne sont jamais seulement des choses que nous vendons et achetons, mais toujours des produits créés par des relations et des travaux humains.
L’échange, la répartition, la forme d’égalité et de circulation entre les humains que l’argent rend possibles en font plutôt, à mes yeux, un facteur de paix et de relations saines. Le troc est, au contraire, une source d’affrontement et de guerre. Et l’argent, c’est la fin du troc.
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