Posséder ou partager ?

Dans un petit village rural d’Espagne au début de la guerre civile (1936), José, fils de paysans pauvres d’environ 20 ans et républicain, raconte à sa jeune sœur Montse (environ 15 ans) ses pensées révolutionnaires. 

(Montse) relance José tant elle aime l’écouter. Le voici à présent philosophe, (…) et faisant des phrases (…) sur l’art de déposséder. 

Montse : l’art de quoi ? 

José : de déposséder. 

Montse : ça veut dire quoi ? 

José : ça veut dire que posséder un objet, une maison, un bijou, une montre-bracelet, des meubles en acajou (…), c’est s’en faire l’esclave, c’est vouloir à tout prix les garder, c’est ajouter de nouvelles servitudes à celles auxquelles on ne peut se soustraire. Alors que dans les communes libres que nous allons mettre sur pied, tout sera à nous et rien ne sera à nous, tu comprends ? La terre sera à nous comme la lumière et l’air, mais elle ne sera à personne. Il exulte. Et les maisons seront sans verrou ni loquet, t’y crois pas ? (…) 

La mère, lassée, espère que ces affabulations propres à la jeunesse ne dureront qu’un temps et que José recouvrera rapidement ce qu’elle appelle le sens des réalités, c’est-à-dire pour elle : le sens du renoncement. Tel est son vœu secret. Tel est le vœu secret de toutes les mères du village. 

Lydie Salvayre, Pas pleurer, Prix Goncourt 2014, Éditions du Seuil, collection Points, Paris 2014, p.23. 

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  1. Les temps qui viennent nous y contraindront peut-être tous à cette dépossession mais le travail d’éducation à faire sera immense ! Tout, dans nos sociétés, est fait pour que l’humain soit hanté par la possession de biens, soit possédé par ses possessions. Ici et là, de jeunes utopistes d’aujourd’hui tentent de mettre ces belles idées en pratique sans basculer dans une idéologie mortifère comme celles qui ont fleuri au XXème siècle en Europe (Gv.)

  2. Excellent, cette notion, l’art de déposséder. Qui ouvre des horizons. Perso : ne pas être esclave des objets comme le dit le texte (je m’y efforce sans cesse dans ma vie !) et au niveau de la société, vers des utopies plus ou moins réalistes : au lieu de posséder une maison, un jardin, pourrait-on en avoir l’usage et la responsabilité de l’entretien ?

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  1. Les temps qui viennent nous y contraindront peut-être tous à cette dépossession mais le travail d’éducation à faire sera immense ! Tout, dans nos sociétés, est fait pour que l’humain soit hanté par la possession de biens, soit possédé par ses possessions. Ici et là, de jeunes utopistes d’aujourd’hui tentent de mettre ces belles idées en pratique sans basculer dans une idéologie mortifère comme celles qui ont fleuri au XXème siècle en Europe (Gv.)

  2. Excellent, cette notion, l’art de déposséder. Qui ouvre des horizons. Perso : ne pas être esclave des objets comme le dit le texte (je m’y efforce sans cesse dans ma vie !) et au niveau de la société, vers des utopies plus ou moins réalistes : au lieu de posséder une maison, un jardin, pourrait-on en avoir l’usage et la responsabilité de l’entretien ?

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