Contexte : le romancier américain Philiph Roth (1933-2018) raconte la fin de vie de son père Herman, ancien agent d’assurance à Newark, ville proche de New York.
Après avoir évoqué Bill Eisenstadt, il passa à Abe Bloch, et Max Feld, et Sam Kaye, et J.M. Cohen, les figures mâles totémiques de ma prime jeunesse, tous agents d’assurance qui avaient été ses collègues à la Métropolitain, jouaient à la belotte dans notre cuisine le vendredi soir et nous accompagnaient, avec femmes et enfants, lors des pique-niques de « Memorial Day » (Jour des morts tombés au champ d’honneur (NDT)) dans la réserve de South Mountain – les fantassins chevronnés avec qui, jadis à Newark, il faisait du porte-à-porte chez les Noirs ignorants et endettés à vie, ne rentrant à la maison que bien après la nuit tombée (…). « Dans certaines familles de couleur, me raconta-t-il cette fois, les gens continuaient à payer des primes vingt, trente ans après la mort de l’assuré. Trois cents par semaine. Voilà ce que nous ramassions.
- Ils continuaient à payer, mais pourquoi ?
- Ils ne disaient jamais rien à l’agent. Quelqu’un mourait, et ils n’en parlaient jamais. Le représentant de la compagnie faisait sa tournée et ils payaient.
- C’est ahurissant, dis-je, et pourtant ce n’était pas la première fois que je l’entendais raconter ses sinistres soirées à soutirer quelques sous aux plus pauvres parmi les pauvres de Newark, et à raconter ses histoires vieilles de 38 ans, ses histoires de la Metropolitan.
Philip Roth, Patrimoine, Gallimard Folio, Paris, 1992, p. 115.
Comme le denier du culte que, pendant des siècles, les curés venaient récolter auprès des plus pauvres ou les parts de récoltes prélevées par les Seigneurs ou les taxes sur les carburants ou … liste non exhaustive !