Le texte qui suit est plus philosophique que littéraire : qu’importe ! Il constitue le résumé remarquablement concis de la pensée du philosophe Aristote au sujet de l’argent telle qu’elle est décrite dans son ouvrage Politique (1).
Pour atteindre l’autosuffisance permettant de bien vivre, la cité et les familles qui la composent doivent disposer d’assez de biens matériels pour subvenir aux besoins de leurs membres. L’art d’acquérir de la richesse est conforme à la nature, s’il permet de libérer les hommes libres du besoin, afin qu’ils puissent se consacrer à leur vie de citoyen. Mais avec le développement des échanges et l’introduction de la monnaie (passage du troc au commerce), est apparue une forme pervertie de l’art d’acquérir, la chrématistique : l’acquisition de biens devient un but en soi et il ne s’agit plus d’autre chose que d’augmenter sans limites la quantité de monnaie possédée, autrement dit de faire le maximum de profit. La monnaie est ici détournée de sa fonction naturelle qui est de faciliter l’échange : elle devient le principe et le terme de l’échange. Il ne s’agit pas ici de condamner moralement le profit, mais de dénoncer le risque que fait peser sur la cité la confusion du moyen (acquérir de la richesse) avec une fin, lorsque l’enrichissement devient un but en soi.
Éva Munoz (dir.), 100 œuvres-clés de philosophie Éditions Nathan, Paris, 2008
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